Arts littéraires

Lpp aspire au calme

L’idéal du calme est dans un chat assis.

Journal de Jules Renard de 1887-1892 – 30 Janvier 1889


NB: Ce n’est pas parce que Google Book ne “possède” pas le livre que les recherches doivent s’arrêter:

Bel exemple ici avec atramenta.net qui propose:

des milliers d’ebooks gratuits en téléchargement EPUB, Kindle et PDF ou lecture libre

et en tout cas, à ce jour: 557 auteurs du domaine public

 

Du redoublement

Aujourd’hui, je révise la conjugaison du verbe “prendre” , verbe irrégulier du 3ème groupe, au présent:

Je prends
Tu prends
Il/elle/on prend
Nous prenons —– —–prend un n
Vous prenez————-prend un n
Ils/elles prennent——-prend deux n

Tiens, si on se penchait sur cette histoire de “n” ?

Le redoublement des lettres en plusieurs mots de la Langue, se fait uniquement des consonnes, et peut se rapporter à deux causes; l’une prise du latin, d’où ses mots là nous viennent; l’autre tirée du fond même notre Langue. Car quant au redoublement qui s’est fait autrefois des voyelles a, e  et o, dans les mot d’aage, agreement et roole, l’usage est aujourd’hui est tellement aboli , qu’il n’en est plus question maintenant.

Mais avant de venir aux exemples du redoublement de chaque consonne, il ne sera pas peut-être hors de propos de toucher ici quelque chose en général, du redoublement des consonnes dans les mots, où non seulement ce redoublement n’est point pris du latin, mais où il le fait quelquefois contre l’orthographe des mots latins, d’où les mots français dérivent. Il le fait principalement des lettres l, m, n, p et t après a, e et o; mais il suffira de parler ici des lettres l, m et n après e et o pour donner quelque idée de la cause de ce redoublement dans les mots où la prononciation toute seule n’en avertit pas:  car pour ceux où elle le fait sentir, ce n’est pas de quoi il est ici question, non plus que de ceux de notre Langue n’a fait que suivre l’exemple de la Langue Latine.

Il y a deux choses à considérer dans le redoublement des consonnes; le lieu où il se fait et l’effet qu’il produit. Le lieu où il se fait, c’est d’ordinaire immédiatement après la voyelle sur laquelle est le siège de l’accent: mais comme notre langue n’a proprement d’accent que sur la dernière syllabe, dans les mots dont la terminaison est masculine et sur la pénultième dans ceux dont la terminaison est féminine; et que les dernières syllabes ne sont pas susceptibles du redoublement de consonnes, ce redoublement, à le régler par le siège de l’accent, n’appartient proprement qu’aux pénultièmes syllabes des mots qui ont une terminaison féminine.

Ainsi chapelle, chandelle, fidelle*, folle, colle, molle, femme, homme, somme, bonne, donne, sonne et patronne, qui ont l’accent sur la pénultième, s’écrivent par deux l, deux m et deux n: que si cet accent passe de la pénultième sur la dernière; alors en quelques mots dérivés des précédents, comme dans Chapelain, chandelier, fidélité, féminin, homicide, bonace, donateur, consonance, patronage, il se fait plus de redoublement de consonne; et l’usage est en cela entièrement fondé sur la raison et sur la règle. Mais en d’autres mots de même ou de pareille dérivation comme fidellement*, nouvellement, follement, donner, sonner, tonner, le redoublement qui ne devrait se faire qu’après la voyelle du siège de l’accent se fait devant: et l’Usage en cela, comme en beaucoup d’autre choses, s’est mis au dessus des règles, qu’il observe pourtant dans la conjugaison des verbes. Car on écrit, ils prennent, ils tiennent, ils viennent, par deux n, parce que le siège de l’accent est sur l’e de la pénultième syllabe; et l’on écrit par une n seule, nous prenons, nous tenons, nous venons, vous prenez, vous tenez, vous venez; parce que l’accent qui était sur la pénultième, est passé sur la dernière.

Traité de la grammaire françoise – Henri Desbordes, 1707 – P 103 & 104.

Je ne sais pas si c’est plus clair pour vous…

Ce que je sais en revanche c’est que le livre scanné est disponible dans son ensemble gratuitement et qu’il promet de répondre à de multiples questions concernant le parcours de la Langue française. Je le garde au chaud. J’aime l’idée que le passé réponde aux questions du présent… Qui sait ce que l’avenir nous réserve ?


* de nos jours: fidèle et fidèlement

Pouce ! La suite – part. 2 –

Donc, si on traduit littéralement verso et police, on obtient:

pollice > pollex: le pouce
verso: retrourné

Mais  nulle part, ni chez Juvénal, ni chez Horace (note1) , ni chez Prudence (note 2), il est expliqué vers quoi était retourné ce pouce (terre ou spectateur).

Et pourtant les traducteurs semblent unanimes.

D’où tirent-ils donc cette info ?

Peut-être de  l’Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, par une Société des gens de lettres. Mis en ordre & publié par M. Diderot; & quant a la partie mathématique, par M. D’Alembert. Volume 16  – 177X. Dans lequel on trouve un article très conséquent sur les gladiateurs et évidemment un passage qui nous concerne:

Dans le cours ordinaire des choses, c’était le peuple qui décidait de la vie et de la mort du gladiateur blessé: s’il s’était conduit avec adresse et courage, sa grâce lui était presque toujours accordée; mais s’il s’était comporté lâchement dans le combat, son arrêt de mort était rarement douteux. Le peuple ne faisait que montrer la main avec le pouce plié sous les doigts, pour indiquer qu’il sauvait la vie du gladiateur; et pour porter son arrêt de mort, il lui suffisait de montrer le main avec le pouce levé et dirigé vers le malheureux(…)

On peut même remonter jusqu’en 1688 avec le traité de statues de François Lemée:

Le geste donc et cela de plus que la parole, qu’il s’entend de tout le monde, parce qu’il représente naturellement les choses et les actions, alors que la parole ne signifie que ce qu’il a plu aux hommes de lui faire signifier. Quoi qu’il consiste en quelque façon dans la contenance et le maintien du corps dans le mouvement de la tête et des yeux, dans la mesure de bien tenir ses pieds; toutefois il concerne encore plus particulièrement celle de bien régler les bras et les mains, ce que nous appelons Chironomie, et l’on ne pouvait donner aux statues de geste plus estimé que celui est est nommé l’Habitude Paisible. Avec ce geste elles penchaient un peu la tête sur l’épaule droite, portaient les bras vers l’oreille, et étendaient la main dressant le pouce par manière de menace, à peu près de même que le peuple le tournait en faisant signe de l’amphithéâtre à un Gladiateur de tuer son Adversaire terrassé.

J’aurai voulu trouver cette fameuse pose de l’Habitude Paisible, mais nada sur la toile…

Ainsi  s’achèvent ma modique enquête. Il reste 15 siècles à combler pour remonter jusqu’au verso pollice et je n’ai ni la qualité  d’historien, ni celle de latiniste.

Et comme il semble que cette question soit une réelle question de débat, je vous renvois au Wikipédia qui en parle aussi dans son article sur les gladiateur sous le titre “Idées reçues“…:

Malgré tout une chose semble certaine, à l’époque, voir un pouce dans une arène n’était pas bon signe.

Pouce ! La suite – part. 1 –

Dans mon précédent post intitulé “Pouce !”, j’ai écris:

Donc, le « pouce ! » serait un dérivé de la demande de grâce du gladiateur, qui espérait de la part des spectateurs le pouce tourné vers la terre.

Ok… Mais c’est quand même marrant de constater que finalement aujourd’hui (et depuis au moins le 19ème siècle finalement), le geste a changé diamétralement de sens: le pouce en l’air pour la « grâce » !

Suite au commentaire de MS concernant le précédent article sur le pouce,  que je me permets de recopier ici:

Chers petits pois,
Quand vous aurez lu http://www.histoire-fr.com/mensonges_histoire_pollice_verso.htm
vous comprendrez que vous n’êtes pas sortis d’affaire.
Bon courage!

voilà quelques recherches supplémentaires… faut pas chercher Lpp…

Parce que citer Juvénal, c’est bien, savoir exactement ce qu’il a voulu dire, c’est mieux.

Et le problème est bien là: qu’à voulu dire Juvenal  dans sa satyre III:

Quondam hi cornicines, et municipalis arenae
Perpetui comites, notaeque per oppida buccae,
Munera nunc edunt, et verso pollice vulgi,
Quemlibet, occidunt populariter: indè reversi
Conducunt forcias.

 

Du coup je suis allée chercher des traductions du texte par des latinistes:  j’ai trouvé 2 écoles dans la traduction mais 2 points de vu plutôt ressemblants:

En 1825, M. V. Fabre de Narbonne traduit trop très simplement, en vers:

Du cornet des Tritons leur trompette rivale,
Jadis, de cirque en cirque, annonçait les combats;
Ces héraut ambulans, devenus magistrats,
Vont présider aux jeux sur un char magnifique,
Prêts à sacrifier à la faveur publique
L’athlète que condamne un funeste signal

mais ajoute une note:

Verso pollice. Le peuple ne faisait que montrer la main pliée avec le pouce sous les doigts pour indiquer qu’il accordait la grâce au gladiateur vaincu; pour le faire tuer il suffisait que le peuple montrât la main avec le pouce levé. Horace rappelle cette coutume dans ces vers. Fautor utrumque tuum laudabit pollice ludum.

Quelques années plus tard, en 1839, sous la direction  le M. Nisard, on trouve, en prose cette fois:

Ces gens autrefois joueurs de cor, éternel cortège des arènes de province, connus pour emboucher la trompette au sein des amphithéâtres, donnent aujourd’hui des spectacles: au pouce levé de la multitude, ils égorgent, pour lui plaire, le premier gladiateur.

Ainsi qu’un note:

Au pouce levé: Le gladiateur qui manquait de grâce en tombant sous les coups de son adversaire, ou qui ne faisait pas une résistance capable d’intéresser les spectateurs, était inhumainement sacrifié sous les yeux même de la multitude. Le pouce levé et dirigé vers lui, tel était, de la part des spectateurs, son arrêt de mort, arrêt qu’osait prononcer même la vierge modeste. Prudent., de Vestal: Pectus jacentis Virgo modesta jubet, converso pollice, rumpi.

Maintenant la question est: sur quoi s’appuyait on au 19ème siècle pour rédiger de telles notes ?

Je veux dire verso pollice ça veut littéralement dire “pouce tourné”, et nulle part j’ai pu lire chez les auteurs latin une indication de direction (tourné vers où ?).

 

Pouce !

JEUX. Crier, demander, faire pouce et p. ell., pouce! interj. Lever le pouce pour demander à sortir momentanément du jeu ou à suspendre le jeu; au fig., abandonner la partie. Léo : Pouce! Pas de disputes (Cocteau, Parents,1938, iii, 4, p. 283).

Pouce cassé! [Pour marquer la reprise du jeu] Jessica : Tu joues? Hugo : Oui. Jessica : Alors, pouce : je ne joue plus. Ouvre la valise. Hugo : Pouce cassé : je ne l’ouvrirai pas (Sartre, Mains sales,1948, 3etabl., 1, p. 68).

 

Je voulais annoncer la pause du mois qui commence demain, mais c’était sans compter sur…

“mais au fait pourquoi on dit pouce ?”

Qu’à cela ne tienne ! On va demandé à Alain Rey et à son fameux Dictionnaire historique de la langue française, l’Origine et l’histoire des mots (édition 2016)… quelle déception !

Pas d’explication, encore une simple définition :

“est employé comme interjection par les enfants qui, joignant le geste à la parole, brandissent le pouce pouindiquer qu’ils se mettent momentanément hors du jeu (1883)”

Heureusement (…) il y a Google Books… (grumble)
malheureusement je n’ai pu travailler que sur des extraits de livre…(re grumble)

Et c’est vraiment dommage parce que celui-ci était prometteur:

Quelle frustration encore!

Mais Lpp est toujours bien déterminée dans ses recherches et un peu plus loin,  Alleluia !

Ce qui donne*:

Le vaincu laissait tomber ses armes en signe de soumission et levait la main pour demander merci. Son sort dépendait alors des spectateurs, qui élevaient la main en tournant le pouce vers la terre s’ils voulaient lui faire grâce, et en tenant le pouce en l’air s’ils désiraient la mort. C’est à quoi fait allusion le mot d’Horace :« Pollice verso». Quand donc le gladiateur demandait grâce, on peut dire qu’il demandait le pouce . C’est ce que fait de nos jours encore le gavroche parisien quand au jeu il demande une grâce momentanée ; et c’est ce que du reste confirme d’une manière certaine la formulé qu’il emploie, puisque souvent il la complète en disant: je demande le pouce !

Dans le même sens:

Donc, le “pouce ! ” serait un dérivé de la demande de grâce du gladiateur, qui espérait de la part des spectateurs le pouce tourné vers la terre.

Ok… Mais c’est quand même marrant de constater que finalement aujourd’hui (et depuis au moins le 19ème siècle finalement), le geste a changé diamétralement de sens: le pouce en l’air pour la “grâce” !

Si vous voyez ce que je veux dire…

Allez, bonne semaine sans Lpp !


*Petite concaténation des différents extraits:

https://books.google.fr/books?id=qP87AAAAIAAJ&q=%22pouce+!%22+jeux+%22pouce+en+l%27air%22&dq=%22pouce+!%22+jeux+%22pouce+en+l%27air%22&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwi58_Wjl-fXAhVBnxQKHX4WALgQ6AEIJzAA

https://books.google.fr/books?hl=fr&id=qP87AAAAIAAJ&dq=%22pouce+%21%22+jeux+%22pouce+en+l%27air%22&focus=searchwithinvolume&q=gr%C3%A2ce

https://books.google.fr/books?hl=fr&id=qP87AAAAIAAJ&dq=%22pouce+%21%22+jeux+%22pouce+en+l%27air%22&focus=searchwithinvolume&q=momentan%C3%A9e


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