Ce n’est pas parce qu’on est mi décembre qu’on a plus le droit de s’intéresser aux calendriers de l’Avent.
Surtout que celui là c’est plutôt un calendrier de l’Avant que de l’Avent. En effet, rien à voir avec l’arrivée du Messie: ce calendrier donne chaque jour pendant le mois de décembre et donc jusqu’au 31, le nom d’un auteur ou une œuvre qui va tomber dans le domaine public au 1er janvier 2019:
“- Ça fait longtemps qu’on est pas allé dans une livrairie !”
“- LiBrairie, pas liVrairie… Ben oui c’est vrai d’ailleurs ça… pourquoi ?”
Mais en fait, la bonne question n’est pas pourquoi on dit liBrairie, mais pourquoi on dit liVre.
En effet, étymologiquement parlant, le mot livre vient de liber en latin :
“désigne originellement la pellicule située entre le bois et l’écorce extérieure, sur laquelle on écrivait avant la découverte du papyrus. Par métonymie, il a désigné le livre , sens qui s’est conservé après l’abandon du liber au profit du papier fait avec des bandes découpées dans la tige de papyrus.”
“L’origine et l’histoire des mots racontées par Alain Rey” – Robert – 2016
Je n’ai pas trouvé la raison de cette substitution de b en v (j’ai pourtant l’impression d’avoir bien fouiner) mais j’ai appris:
qu’en latin il ne faut pas confondre liber, libera et liber, libri
(terme formé à partir du grec ancien βῆτα bêta, « la lettre b ») désigne en phonologie une confusion dans la prononciation entre [b] et [β] ou [v], ou du moins l’absence dans cette différence phonétique d’une valeur discriminante qui permettrait une distinction de sens entre deux mots. Parmi les langues romanes, on retrouve ce phénomène en espagnol, galicien et portugais du nord, une grande partie du domaine du catalan, certains dialectes de l’occitan (gascon, languedocien, auvergnat), sarde, corse du nord, et certains dialectes méridionaux de l’italien.
En phonétique historique, le bêtacisme peut également désigner un changement phonétique qui consiste en la transformation du [b] en [β] ou [v]. C’est un cas particulier de lénition. C’est une évolution courante qui s’observe dans diverses familles linguistiques, par exemple dans les langues romanes, en grec ancien et en hébreu.
(…)
Dans les langues qui conservent une distinction entre [b] et [v], on trouve des exemples sporadiques de bêtacisme (par exemple, le français brebis provient du latin vervex, le roumain bătrân « vieux, vieillard » du latin veteranus) sans que le phénomène soit généralisé.
Aujourd’hui sur France info, Madame Sylvie Vassallo, Directrice du salon du livre jeunesse a dit:
Il y a 252 auteurs et autrices au programme (…)
“Autrice”: ça m’a choqué sur le moment.
Du coup voilà; ce soir j’ai cherché les positions de chacun sur la question. Le but n’est pas de prendre parti mais de structurer la réflexion pour être libre dans l’appréhension du mot quand celui-ci se présente.
2/ A l’Académie Française, la position est catégorique, même si les explications sur ce mot là en particulier reste selon moi floues:
On se gardera de même d’user de néologismes comme agente, cheffe, maîtresse de conférences, écrivaine, autrice… L’oreille autant que l’intelligence grammaticale devraient prévenir contre de telles aberrations lexicales.
Je finis par les mots en « -eur ». Faut-il dire « auteure » ou « autrice » ou « auteuse », etc. ? La question ne vaut pas, car les mots en « -eur » sont divisés statistiquement en deux parties, l’une féminine, l’autre masculine : « la douceur » et « le malheur », « l’horreur » et « l’honneur ». Par conséquent, « Madame Jacqueline Unetelle, auteur de ce livre » peut se dire sans malice. Michel Serres
a/ Le mot a déjà été employé au 18ème siècle (dans cette acception) ; on en trouve quelques attestations dans la Base Historique du Vocabulaire Français (BHVF):
Et il est noté à côté des citations:
“Résurgence isolée de l’ancienne langue”.
Ce qui sous-entend qu’à une autre époque, on disait autrice.
b/ D’ailleur, le Gaffiot, Dictionnaire latin-français de 1934 indique:
J’étais plutôt enjouée quand j’ai commencé Timée (Platon)… au début ça ressemble à de la mythologie, on parle d’Atlantide, de la naissance de la Terre:
(…)
C’est évidemment corporel que doit être le monde engendré, c’est-à-dire visible et tangible. Or, sans feu rien ne saurait jamais devenir visible ; et rien ne saurait par ailleurs être tangible sans quelque chose qui soit solide; or rien ne saurait être solide sans terre. De là vient que c’est avec du feu et avec de la terre que le dieu, lorsqu’il commença de le constituer, fabriqua le corps du monde. Mais deux éléments ne peuvent seuls former une composition qui soit belle, sans l’intervention d’un troisième; il faut en effet, entre les deux un lien qui les réunisse. Or, de tous les liens, le plus beau, c’est celui qui impose à lui-même et aux éléments qu’il relie l’unité la plus complète, ce que, par nature, la proportion réalise de la façon la plus parfaite.
Mais ce n’est que le début…
Chaque fois que de trois nombres quelconques, que ces nombres soient entiers ou en puissance, celui du milieu est tel que ce que le premier est par rapport à lui, lui-même l’est par rapport au dernier, et inversement que ce que le dernier est par rapport à celui du milieu, celui du milieu l’est par rapport au premier, celui du milieu pouvant devenir premier et dernier, le dernier et le premier pouvant à leur tour devenir moyens, il en résulte nécessairement que tous se trouvent être dans une relation d’identité, et que, parce qu’ils se trouvent dans cette relation d’identité les uns par rapport aux autres, ils forment tous une unité.