Au clair de la lune…?

Vous connaissez tous la chanson ou en tout cas le premier couplet:

Au clair de la lune
Mon ami Pierrot
Prête-moi ta plume
Pour écrire un mot
Ma chandelle est morte
Je n’ai plus de feu
Ouvre-moi ta porte
Pour l’amour de Dieu

Et je ne vous en demande pas plus ici, bien qu’elle comporte bien plus de couplets, voire de variantes.

Mais ce qui m’intéresse aujourd’hui est sous vos yeux.

Voici l’histoire: poussée par la curiosité et toujours à la recherche de la “vérité”, il se trouve que je suis en train de lire l’article sur le Wikipédia concernant “Au clair de la lune”.

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Et c’est quand je lis ce passage, que tout chavire :

“D’après certaines sources la version originale disait Prête-moi ta lume plutôt que Prête-moi ta plume. Lume vient du mot lumière et c’est ce dont on a besoin pour écrire lorsque la chandelle est morte. On a donc la demande, « la lumière (lume) pour écrire un mot » et la justification de cette demande, « ma chandelle est morte, je n’ai plus de feu ». Il faut donc du feu pour rallumer la chandelle et avoir ainsi de la lumière (lume). “

Et je me dis, pourquoi pas après tout ! C’est vrai que cela semble plus cohérent. Et si on essayer de retrouver ces sources ? Et bien voilà ce que j’ai trouvé en cherchant ces fameuses sources: un retournement de situation !

En effet, dans son ouvrage de 1860 intitulé “Œuvres complètes: Mélanges en prose et en vers, Volume 4Auguste Alexis Floréal Baron, enseignant et un homme de lettres belge d’origine française, fait un commentaire de la chanson plutôt terre à terre au cours duquel il ouvre le tiroir étymologique suivant – je me permets de recopier – :

Lune vient de lumen, lumière. On devrait dire lume et non pas lune. Et pourquoi ne le dirait-on pas ? Tous les étymologistes ne s’accordent-ils pas sur ce point que m et n, deux consonnes nasalo-liquides, sont au fond une seule et même lettre? Consultez seulement Court de Gébelin. Que dit-il, à la p.218 du tome II du Monde primitif, édit. in-4°? “Les consonnes m et n se prennent sans cesse l’une pour l’autre”. Puisqu’elles se prennent sans cesse l’une pour l’autre, pourquoi n’en serait-il pas de même ici ? C’est cet axiome de la science étymologique que notre poëte a voulu consacrer par un illustre exemple, et ce n’est même que par condescendance pour le vulgaire qu’il n’a pas écrit: Au clair de la lume, ou bien Prète moi ta plune. Il le pouvait, car enfin j’en reviens au dire de Gébelin, que nul savant ne révoque en doute: “m et n se prennent sans cesse l’une pour l’autre.”
En vain Egidius Burdinnensis appuie-t-il la critique de Gangulphius en disant: “La preuve que le mot primitif est lune et non lume, c’est le dérivé de lunette et non pas lumette, petite lune.” Erreur profonde ! Lunette ne vient pas de luna, mais bien de unus, ainsi dite parce qu’elle ne sert qu’à l’un des yeux en opposition avec besicles, bis oculis, qui sert aux deux yeux. Mais laissons là Egidus et Gangulphius, auxquels je crois avoir pertinemment démontré que lune rime avec plume, et revenons à notre texte.”

Il est vrai quand même, que de toute la chanson, lune et plume sont les seuls mots qui ne riment pas. Et que l’on remplace plume par lume n’y changerait rien: lune et lume ne riment pas non plus !

Je vote pour Auguste Alexis Floréal Baron !

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