Aujourd’hui, je révise la conjugaison du verbe “prendre” , verbe irrégulier du 3ème groupe, au présent:
Je prends
Tu prends
Il/elle/on prend
Nous prenons —– —–prend un n
Vous prenez————-prend un n
Ils/elles prennent——-prend deux n
Tiens, si on se penchait sur cette histoire de “n” ?
Le redoublement des lettres en plusieurs mots de la Langue, se fait uniquement des consonnes, et peut se rapporter à deux causes; l’une prise du latin, d’où ses mots là nous viennent; l’autre tirée du fond même notre Langue. Car quant au redoublement qui s’est fait autrefois des voyelles a, e et o, dans les mot d’aage, agreement et roole, l’usage est aujourd’hui est tellement aboli , qu’il n’en est plus question maintenant.
Mais avant de venir aux exemples du redoublement de chaque consonne, il ne sera pas peut-être hors de propos de toucher ici quelque chose en général, du redoublement des consonnes dans les mots, où non seulement ce redoublement n’est point pris du latin, mais où il le fait quelquefois contre l’orthographe des mots latins, d’où les mots français dérivent. Il le fait principalement des lettres l, m, n, p et t après a, e et o; mais il suffira de parler ici des lettres l, m et n après e et o pour donner quelque idée de la cause de ce redoublement dans les mots où la prononciation toute seule n’en avertit pas: car pour ceux où elle le fait sentir, ce n’est pas de quoi il est ici question, non plus que de ceux de notre Langue n’a fait que suivre l’exemple de la Langue Latine.
Il y a deux choses à considérer dans le redoublement des consonnes; le lieu où il se fait et l’effet qu’il produit. Le lieu où il se fait, c’est d’ordinaire immédiatement après la voyelle sur laquelle est le siège de l’accent: mais comme notre langue n’a proprement d’accent que sur la dernière syllabe, dans les mots dont la terminaison est masculine et sur la pénultième dans ceux dont la terminaison est féminine; et que les dernières syllabes ne sont pas susceptibles du redoublement de consonnes, ce redoublement, à le régler par le siège de l’accent, n’appartient proprement qu’aux pénultièmes syllabes des mots qui ont une terminaison féminine.
Ainsi chapelle, chandelle, fidelle*, folle, colle, molle, femme, homme, somme, bonne, donne, sonne et patronne, qui ont l’accent sur la pénultième, s’écrivent par deux l, deux m et deux n: que si cet accent passe de la pénultième sur la dernière; alors en quelques mots dérivés des précédents, comme dans Chapelain, chandelier, fidélité, féminin, homicide, bonace, donateur, consonance, patronage, il se fait plus de redoublement de consonne; et l’usage est en cela entièrement fondé sur la raison et sur la règle. Mais en d’autres mots de même ou de pareille dérivation comme fidellement*, nouvellement, follement, donner, sonner, tonner, le redoublement qui ne devrait se faire qu’après la voyelle du siège de l’accent se fait devant: et l’Usage en cela, comme en beaucoup d’autre choses, s’est mis au dessus des règles, qu’il observe pourtant dans la conjugaison des verbes. Car on écrit, ils prennent, ils tiennent, ils viennent, par deux n, parce que le siège de l’accent est sur l’e de la pénultième syllabe; et l’on écrit par une n seule, nous prenons, nous tenons, nous venons, vous prenez, vous tenez, vous venez; parce que l’accent qui était sur la pénultième, est passé sur la dernière.
Traité de la grammaire françoise – Henri Desbordes, 1707 – P 103 & 104.
Je ne sais pas si c’est plus clair pour vous…
Ce que je sais en revanche c’est que le livre scanné est disponible dans son ensemble gratuitement et qu’il promet de répondre à de multiples questions concernant le parcours de la Langue française. Je le garde au chaud. J’aime l’idée que le passé réponde aux questions du présent… Qui sait ce que l’avenir nous réserve ?
* de nos jours: fidèle et fidèlement